samedi 6 mars 2010

L'innocuité de la pomme de terre transgénique mise en cause

La reprise des cultures transgéniques en Europe ne devrait pas se dérouler aisément. L'autorisation d'une pomme de terre transgénique, mardi 2 mars, par la Commisson européenne, a suscité de vives réactions.

La firme allemande BASF, qui a mis au point cette variété, s'est réjouie de la décision, tandis que l'organisation des industriels des biotechnologies agricoles, Europabio, s'est déclarée "encouragée par cette approche fondée sur la réglementation". Europabio souligne que dix-sept OGM (organismes génétiquement modifiés) sont actuellement en cours de procédure d'autorisation.

L'Allemagne, la Suède, la République tchèque et les Pays-Bas devraient commencer à cultiver cet OGM (organisme génétiquement modifié) au printemps. L'Italie et l'Autriche ont en revanche immédiatement annoncé leur intention d'interdire sa culture.

Le gouvernement français, qui a, comme six autres pays européens, suspendu sine die la culture du maïs Mon 810 (autorisé par l'Europe en 1998), a indiqué par un communiqué du ministère de l'Ecologie qu'il "allait saisir le Haut conseil des biotechnologies (HCB), notamment sur la présence dans cette pomme de terre d'un gène de résistance à un antibiotique." Le 1er mars, le Fonds stratégique d'investissement français a annoncé l'injection de 150 millions d'euros dans la coopérative Limagrain, qui développe des OGM.

Les organisations écologistes (Greenpeace, Friends of the Earth, France nature environnement) ont de leur côté vivement critiqué la décision de Bruxelles. Quant aux députés Verts européens, ils stigmatisent "l'incapacité des commissaires à prendre en compte les points de vue clairement exprimés par un nombre important des Etats membres ainsi que par une large majorité des citoyens européens."

L'annonce a été faite par le commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, John Dalli. C'est la première fois depuis douze ans que l'Union européenne délivre une telle autorisation. Dénommée Amflora, cette pomme de terre a été génétiquement modifiée afin d'augmenter son contenu en un composant chimique de l'amidon, l'amylopectine, dans le but de satisfaire des usages dans l'industrie du papier.

La validité scientifique de la décision suscite de vives interrogations. La pomme de terre Amflora contient en effet un gène de résistance aux antibiotiques kanamycine et neomycine. Or, la directive européenne sur les OGM 2001-18 prévoyait (son article4-2) "l'élimination" de tels marqueurs, pour éviter l'éventuelle émergence de bactéries résistantes.

INDÉPENDANCE

L'Agence européenne de sécurité des aliments (AESA), sur les avis de laquelle la Commission se repose, a cependant jugé que ce marqueur ne posait pas de problème. Pourtant, deux avis de l'Organisation mondiale de la santé, en février 2005, et de l'Agence européenne des médicaments (EMEA), en février 2007, ont estimé que les antibiotiques concernés avaient un caractère thérapeutique notable. La position de l'AESA n'apparaît donc pas totalement convaincante. Pour Greenpeace, l'acceptation d'un OGM doté d'un marqueur de résistance aux antibiotiques est "incohérent".

L'indépendance de l'AESA est, d'autre part, sujet à controverse depuis que l'Observatoire européen des multinationales (CEO) a révélé en janvier que la coordinatrice scientifique du groupe d'experts sur les OGM de l'AESA, Suzy Renckens, avait été embauchée en 2008 par le groupe Syngenta, qui produit des OGM : la société espère notamment que son maïs Bt 11 sera prochainement autorisé.

Les critiques à l'égard de l'agence européenne ont été relayées par les Etats membres : le 4 décembre 2008, le conseil des ministres européens de l'environnement avait adopté à l'unanimité des conclusions demandant d'"améliorer" le système d'expertise communautaire et "une évaluation détaillée des effets à long terme sur l'environnement" des OGM. Mais depuis cette réunion, peu de changements ont été apportés. Selon des fonctionnaires européens, "la réforme de l'ASEA n'est pas à l'ordre du jour".

En fait, plutôt que de renouveler la méthode d'expertise, la Commission préfère assouplir le processus d'autorisation. D'ores et déjà, a indiqué John Dalli, "chaque Etat est libre d'autoriser ou non la culture de cet OGM". D'ici à l'été, des réflexions seront menées au sein de la Commission de façon à donner plus de souplesse aux Etats membres pour appliquer, ou pas, sur leur territoire, les autorisations accordées au niveau européen. Il s'agit d'élargir leur marge de manœuvre, soit dans le cadre de la législation existante, soit en refondant les lois européennes.

Hervé Kempf et Philippe Ricard

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1 commentaire:

Moussetic a dit…

ça me met en colère! GRRRRRRRRR!.....