samedi 12 juillet 2008

Comment les semences sont contrôlées

Pourquoi une banque de gênes

Conscient de l’existence d’un patrimoine alimentaire qui nous échappe et disparaît un peu plus chaque jour, l’association Savoirs de terroirs met en place une banque alternative de semences libérées où chaque adhérent devient l’acteur de la sauvegarde de nos variétés paysannes. Parce que nous voulons choisir ce que nous mangeons, parce que nous avons le droit à l’autonomie alimentaire, nous pensons que la création d’un vaste réseau d’échange de semences national rendra aux consommateurs la connaissance de son passé végétal et le droit au libre arbitre.
Contexte d’une réglementation des semences. En France et en Europe, une semence peut être commercialisée si elle est inscrite au catalogue officiel français ou européen. Cette législation fût mise en place en 1961 avec la création d’un organisme international : l’UPOV, l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales dont le but est de promouvoir et de coordonner les législations du monde relatives aux brevets sur les nouvelles variétés de plantes potagères, céréalières, fourragères et arbres fruitiers. Les semences ne font alors désormais plus partis du domaine public. Elles n’appartiennent plus au vivant. Les variétés présentes au catalogue officiel peuvent être nombreuses selon les espèces, mais ce panel s’oppose aux règles inaliénables de la biodiversité : l’évolution.En effet, si un agriculteur veut vendre une variété, celle-ci doit passer des tests auprès du GEVES ( groupe d’études de variétés de semences) afin de répondre à une réglementation précise. Le test DHS (Distinction Homogénéité, Stabilité) permet de vérifier que la variété est bien distincte des variétés déjà inscrites ; d’examiner que l’échantillon de semences soit composé de sujets ayant des caractéristiques communs ; de s’assurer que la variété restera la même quel que soit le terroir. Le test VAT consiste à calculer la Valeur Agronomique et Technologique et d’évaluer l’amélioration par rapport aux valeurs existantes.Le professionnel devra payer la somme de 7500 € par variété pour voir sa variété inscrite au catalogue officiel, ce qui, bien sur, exclut les petits semenciers et favorise la mise en place d’un lobbing de semence dirigé par les plus puissants. L’élaboration d’un système de brevet sur le patrimoine vivant a permis aux multinationales de s’intéresser à un secteur qu’elles avaient jusqu’ici épargné et de créer ainsi une dépendance forcée des petits vers les grands.La mise en place d’un monopoleLa législation qui sévit depuis la création de l’UPOV dans les années 70, a en effet propulsé les plus gros sur le devant. Prenons l’exemple de l’Angleterre où la loi de 1973 « seeds regulation » interdit la vente des variétés non inscrites au catalogue européen. Spontanément, des jardiniers amateurs se montèrent en association pour sauver les variétés non commercialisables. Malheureusement, leurs actions intervinrent quelques temps trop tard et la plupart des variétés potagères qu’ils espéraient sauver avait disparu. Royal dutch shell avaient déjà racheté 74 compagnies productrices de semences en Angleterre et devint la plus grosse firme d’agro chimie.Aujourd’hui quelques grosses firmes régissent le monde des semences :DuPont ( société biotechnologique) qui vient de créer une nouvelle association avec la société pétrolière BP afin de produire et commercialiser une nouvelle génération de biocarburant à partir de culture transgènique dont celle du soja RR qui couvre déjà de vastes étendues en Argentine, au Paraguay, en Uruguay et au Brésil.Syngenta, : «Entreprise biotechnologique détentrice des brevets sur les semences de maïs transgénique commence à essayer des variétés transgéniques spécifiquement conçues pour la production de biocarburants. « Elle a mis au point un enzyme alpha-amilase exprimé dans le maïs 3272 qui, mélangé à du maïs traditionnel, est destiné à la production d’éthanol. Or, l’enzyme alpha-amilase a été identifié comme un allergène important. Si les gènes qui le synthétisent réussissent à s’introduire dans la chaîne alimentaire, nous nous retrouverons devant une protéine susceptible d’avoir sur la physiologie humaine des effets inattendus. »Monsanto : Principal bénéficiaire des cultures transgèniques percevra des redevances sur la vente de ses semences transgéniques brevetées et sur le produit de la récolte.Limagrain : Petite coopérative du Puy de Dôme qui a fait sa fortune grâce aux maïs hybrides F1 de l’Inra. L’année dernière une culture OGM en plein champs de Limagrain fut détruit par le collectif des faucheurs volontaires. ( Consultez rebelyon.fr pour plus d’informations. )Mais également Shell Oil, Occidental Petroleum,… Les petits producteurs de semences potagères ont tous peu à peu disparu. Limagrain en France a racheté les 3 plus gros et plus anciens : Vilmorin, Tézier et Clause.Ce sont ces mêmes puissances commerciales qui ont une mainmise sur les secteurs de la fertilisation et des produits phyto-sanitaires, permettant ainsi de jongler avec tous les marchés qu’ils possèdent, comme la création de semences dépendantes d’engrais et de pesticides. ( Sachan qu’ aujourd’hui d’une part les pesticides sont responsables d’une haute pollution des sols et que d’autre part la croissance d’une plante dans les pesticides finit par la rendre sensible à toutes les maladies : un peu comme le principe des antibiotiques chez l’homme). Tous les maillons de la chaîne sont alors contrôlés par les mêmes multinationales.
Disparition des variétés paysannesEn se concentrant sur une législation qui autorise la vente exclusive des variétés sur catalogue officiel, les variétés paysannes, anciennes, de terroirs, sont alors effacées aux yeux du consommateur par les nouvelles variétés légales.Actuellement « d’extraordinaires pressions économiques et législatives sur les jardiniers et paysans imposent progressivement l’idée d’une utilisation généralisée de semences de variétés brevetées. Mais ce projet agro-industriel mène à une impasse écologique et sociale totale ». « Aux Etats-Unis, 95 % des variétés de choux, 91 % des variétés de maïs, 94 % des variétés de pois et 81 % des variétés de tomates cultivées au siècle dernier ont été perdues. En Ethiopie, les espèces indigènes d'orge souffrent d'érosion génétique grave et le blé dur est en voie de disparition. Les pays andins enregistrent une érosion massive des variétés locales de cultures indigènes et de plantes sauvages apparentées à des plantes cultivées. En Uruguay, beaucoup de variétés autochtones de légumes et de blé ont été remplacées. Au Chili, on signale des pertes de variétés locales de pomme de terre, ainsi que de seigle, d'orge, de lentilles, de pastèques, de tomates et de blé. En France 80% des variétés potagères inscrites au catalogue officiel en 1960 ont disparu au profit de variétés hybrides. » (Extrait du dossier semences de B.E.D.E. Montpelier 2005).

Apparition des hybrides.
Les variétés doivent répondre à des exigences de rendement mais également à des exigences commerciales. Pour cela le GNIS met en place des hybrides F1 : il s’agit de plante issue de parents génétiquement différents qui ont été « travaillées » pour une grande homogénéité et une apparence visant la perfection ( couleur, calibre..) guidant ainsi le consommateur vers des faux choix alimentaires. Ces variétés hybrides F1 donneront des semences peu stables, hétérogènes ou dégénerées, opposées aux tests ( DHS- VAT) applicables aux variétés brevetées. L’agriculteur se voit ainsi dans l’obligation de racheter sa semence chaque année. Alors que le paysan d’hier conservait une partie de sa récolte pour sa semence de l’année suivante, l’agriculteur d’aujourd’hui devient dépendant d’un système dont il ne peut plus sortir. Rappelons tout de même que l’hybride existe à l’état naturel lorsque deux espèces similaires mais de variétés différentes fleurissent en même temps non loin l’une de l’autre, elles donneront naturellement naissance à une population hybridée et hétérogène. Droit à l’informationLes catalogues internationaux restreignent les droits aux échanges des végétaux non labélisés. De ce fait, ils favorisent les échangent informels de semence dans des réseaux parallèles. L’absence presque totale d’éducation à ce patrimoine mondial, alors que la plupart des variétés locales non jamais fait l’objet de descriptions publiées, implique une perte de la diversité par méconnaissance du matériel végétal échangé. Les maraîchers, pépiniéristes, semenciers qui ne respectent pas la loi et vendent un éventail important de variétés ne sont pas capables d’évaluer ni de maintenir la diversité des variétés appartenant au patrimoine commun faute de documentation adéquate. De ce fait, on retrouve des variétés, inscrites très légalement dans des catalogues officiels et déposées par des mainteneurs, vendues ou échangées comme variétés rares ou en voie de disparition. De la même façon, des variétés non inscrites se retrouvent à la vente comme des variétés autorisées. L’éducation du public à la diversité est aussi rendue difficile sans un matériel pédagogique adaptée (sur 100 variétés de courge présentées en sachet lors de réunions d’échange, 95% des gens ne prennent que ce qu’ils connaissent, le potimarron au détriment des 99 autres variétés pourtant souvent plus goûteuses). Un effort immense de communication est à réaliser pour permettre au public de se réapproprier ce savoir-faire et redécouvrir ces plantes adaptées à ces savoirs. La résistance s’organise. Des actions qui ont pour but de sauver notre patrimoine végétal fleurissent aux quatre coins de la France. Nous devons communiquer, échanger et nous soutenir pour que la résistance soit plus forte.
Association Savoirs de terroirs
M. Challaye Patrick
Melle Bona Magali
Balseli@wanadoo.fr

Article paru sur http://balseli.free.fr/

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