A l’heure actuelle, on estime que le secteur de l’agroalimentaire est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Reflet de ce que contient notre assiette, celui-ci est intrinsèquement lié aux habitudes de consommation véhiculées par les pays industrialisés et fondées sur des modes de production intensifs hautement néfastes à l’environnement. Pour répondre à cette forte demande, les pays du Sud sont mis à contribution, contraints de céder une grande partie de leurs ressources. Aussi n’est-ce pas une surprise si, comme le rappelle Nicolas Hulot, sur les 923 millions de personnes souffrant de la faim, les trois quarts sont des paysans.
Contraire à l’éthique, cette production débridée est également lourde de conséquences pour l’environnement. Exemple frappant du monopole et de la pression exercés par les pays industrialisés, l’huile de palme est un ingrédient majeur, entrant la composition de près d’un produit alimentaire sur dix vendus en Europe (biscuits, chocolat, bonbon, crème glacée, sauce, margarine…). Or, si l’on croit la fondation Hulot, sa culture serait la cause de 90 % de la déforestation sévissant en Malaisie. Un chiffre pas si surprenant puisque 17 m2 de palmiers à huile sont nécessaires pour satisfaire les besoins annuels d’un seul Français. Une atteinte grave pour ces forêts tropicales naturelles, véritables réservoirs de la biodiversité.
La problématique de la surexploitation des ressources ne concerne pas que la terre ferme, bien au contraire. Les écosystèmes marins sont eux aussi gravement affectés avec 70 % des stocks de poissons menacés. A l’origine de cette raréfaction des richesses halieutiques, une augmentation de la consommation individuelle des pays riches due notamment à l’engouement pour de nouvelles pratiques culinaires (sushis…). Ce contexte déjà peu favorable est encore aggravé par la surpêche ainsi que les prises accidentelles et la dégradation des milieux marins perturbés par les changements climatiques (disparition des récifs coralliens…).
Les conséquences sur l’environnement de notre mode de consommation ne se limitent pas à la question de l’approvisionnement en matières premières. Une fois celles-ci prélevées, encore faut-il les transformer en un produit fini, lequel implique un emballage et un conditionnement spécifiques. La clientèle étant souvent très éloignée du lieu de production, de l’énergie supplémentaire sera nécessaire pour l’acheminer de son lieu de création à son point de vente et le conserver une fois arrivé à destination. Destination somme toute provisoire, le dit produit étant amené à être transporté à nouveau pour aboutir dans un réfrigérateur familial ou sur une plaque de cuisson… On l’aura compris, ce type de consommation, et le système productif qu’il implique, génère une dépense énergétique massive. Or, celle-ci pourrait être évitée si les produits consommés étaient cultivés localement. Ainsi, un fruit importé hors saison par avion consomme 10 à 20 fois plus de pétrole que le même fruit produit localement. Dès lors, un kilo de pommes provenant d’Afrique du Sud correspond à 5 litres de gasoil, soit 20 fois plus qu’un kilo de pommes cultivées localement. Autre exemple parlant, les 80 % du jus d’orange à base de concentré, bus en Europe, proviennent du Brésil. Si l’on tient compte des diverses opérations générées par leur transformation et leur transport, boire un verre de jus d’orange à base de concentré revient à avaler plus de pétrole que d’orange.
Si une alimentation locale est bénéfique à l’environnement, il faut de même savoir faire varier les plaisirs. Manger varié est certes bon pour la santé mais cela a aussi une incidence notable sur la nature. Pour répondre aux normes dictées par l’industrie agroalimentaire, des variétés de fruits et de légumes ont fait l’objet de standardisation. Outre une vulnérabilité accrue aux aléas climatiques, cette production uniforme conduit à un appauvrissement de la biodiversité. De fait, bien que l’on recense quelque 6 000 races d’animaux d’élevage de bétail et de volailles, seules 3 races bovines assument à elles seules 98 % de la production mondiale bovine. On observe des phénomènes similaires du côté des cultures. Ainsi, alors qu’il existerait près de 7 000 variétés de tomates à travers le monde (1), nous n’en ingérons pas plus de 5 distinctes.
S’intégrant toujours dans cette politique du haut rendement, les techniques agricoles majoritairement employées étendent cet appauvrissement général à la qualité des sols. Premier consommateur européen et troisième à l’échelle mondiale, la France est particulièrement friande de produits phytosanitaires. Mais, outre qu’elles dérogent à leur fonction première en favorisant l’émergence d’insectes ravageurs libérés de leurs prédateurs, ces substances chimiques non biodégradables s’accumulent dans les milieux naturels et intoxiquent les espèces végétales et animales environnantes. La chaîne alimentaire étant ce qu’elle est, l’animal n’est pas le seul à pâtir du recours à ces composés chimiques. Selon l’INRA, en 2006 on estimait qu’un Français pouvait ingérer jusqu’à 1,5 kg de pesticides par an.
Constatant que notre mode de consommation actuel a eu pour effet d’éloigner le consommateur des techniques de production en veillant à lui offrir la plus large gamme de produits sur un plateau d’argent, la fondation Nicolas Hulot a décidé de s’investir dans une opération massive de sensibilisation et d’information sur l’impact environnemental de nos choix alimentaires. Intitulée « Des fraises au printemps », celle-ci repose principalement sur le prochain lancement à la mi-octobre d’un site Internet sur lequel seront référencés les réseaux de magasins et de marchés bio. En parallèle, d’autres outils informatifs seront mis à disposition des consommateurs à l’image d’un mini-guide « Repères pour faire ses courses » ou encore un éventail de fiches pratiques (quel poisson consommer…). L’objectif est de faire la lumière sur des réalités que l’on a plus ou moins caché au consommateur en l’entretenant dans le mythe du tout disponible, de tout temps et à toute saison.
Cécile Cassier
source : univers-nature
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